Vivet therapeutics développe des thérapies géniques pour les maladies du foie

Vivet therapeutics développe des thérapies géniques pour les maladies du foie

Rarement une biotech française n’a su nouer aussi rapidement une relation stratégique avec un géant pharmaceutique. Et pourtant, Vivet Therapeutics, fondée en 2016 et spécialisée dans les thérapies géniques ciblant les maladies hépatiques héréditaires rares, a tapé dans l’œil de Pfizer, qui détient désormais environ 15 % de son capital. Cette alliance, à la croisée de la recherche fondamentale et des ambitions industrielles, témoigne du potentiel de rupture de la thérapie génique, tout comme du sérieux de l’approche clinique de Vivet.

Thérapie génique et maladies du foie : un besoin médical criant

Le foie est au cœur de nombreuses pathologies rares d’origine génétique : déficits enzymatiques, erreurs innées du métabolisme, troubles du stockage lipidique… Ces affections, souvent diagnostiquées dans l’enfance, n’ont que très peu d’options thérapeutiques. Pire encore, elles conduisent fréquemment à une dégradation progressive des fonctions vitales, aboutissant à des indications de transplantation hépatique, avec les limites connues du nombre de greffons disponibles.

Dans ce contexte, la thérapie génique offre une perspective précieuse : fournir au foie l’instruction génétique manquante – le gène fonctionnel – via un vecteur viral adéno-associé (AAV, pour les initiés). L’objectif ? Créer une réponse durable en une seule administration, potentiellement curative.

Mais si sur le papier cette approche semble idéale, les défis sont nombreux : choix du vecteur pour cibler spécifiquement le foie, limitations liées à la taille du gène à transférer, activation du système immunitaire, production à grande échelle… C’est là que Vivet Therapeutics fait la différence.

Une technologie AAV propriétaire et modulable

Installée à Paris et à Madrid, Vivet développe des vecteurs viraux innovants spécifiquement optimisés pour cibler les hépatocytes humains. Sa plateforme propriétaire repose sur des capsides AAV sélectionnées pour leur tropisme hépatique élevé, une expression génique contrôlée, et une faible immunogénicité. Un choix stratégique, car la réponse immune aux particules virales peut compromettre l’efficacité de la thérapie ou en limiter la ré-administration.

La société a également mis au point un système de régulation de l’expression du gène thérapeutique, basé sur des éléments de contrôle transcriptionnel spécifiques. Une finesse de régulation qui pourrait faire la différence entre une sur-expression toxique et une expression thérapeutique efficace à long terme.

Focus sur VTX-801 : vers un traitement de la maladie de Wilson

Le produit phare de Vivet, VTX-801, cible la maladie de Wilson, un trouble autosomique récessif causé par une mutation du gène ATP7B. Cette altération génétique perturbe l’élimination hépatique du cuivre, entraînant une accumulation toxique de ce métal lourd dans le foie, le cerveau et les autres organes.

Le traitement actuel repose sur des chélateurs de cuivre et un régime diététique strict, mais ne permet pas de traiter la cause biologique de la maladie. VTX-801 vise à restaurer la fonction ATP7B dans les cellules hépatiques, corrigeant ainsi durablement le défaut de transport du cuivre grâce à une seule injection intraveineuse.

Les données précliniques menées chez le rat “Wilson” et chez des modèles murins humanisés ont montré une restauration significative des niveaux normaux de cuivre, ainsi qu’une amélioration de la fonction hépatique. En 2023, Vivet a lancé un essai clinique de phase I/II en Europe, baptisé GATEWAY, après avoir obtenu l’autorisation de l’EMA et de plusieurs agences nationales.

Ce trial, toujours en cours, évalue la tolérance, la sécurité et les premiers signaux d’efficacité de VTX-801. Les premiers résultats intermédiaires sont attendus pour la fin de l’année 2024, dans un marché estimé à plus de 1 milliard d’euros.

Un partenariat stratégique avec Pfizer

C’est sans doute l’un des tournants majeurs dans l’histoire encore jeune de Vivet : en 2019, Pfizer annonçait une prise de participation minoritaire avec option d’achat, ainsi qu’un accord de collaboration pour le développement clinique et la fabrication de VTX-801. Un levier stratégique pour la biotech française, qui bénéficie ainsi d’un accès à la puissance industrielle et réglementaire du géant américain.

Ce partenariat a d’autant plus de poids que Pfizer est un acteur de référence en thérapies géniques, avec des investissements massifs dans ce domaine (on pense à Spark Therapeutics, Bamboo ou plus récemment AskBio). Il faut y voir un signal fort envoyé au marché : Vivet coche les bonnes cases scientifiques, mais aussi réglementaires et industrielles pour des ambitions globales.

Et au-delà de l’aspect technique, cette collaboration permet à Vivet d’accéder à l’écosystème CMC (chemistry, manufacturing and controls) de Pfizer, un point souvent critique dans le passage à l’échelle industrielle des lots de vecteurs viraux.

Une stratégie pipeline bien structurée

Si VTX-801 est clairement le projet locomotif de la startup, Vivet entend diversifier son portefeuille en ciblant d’autres affections hépato-métaboliques. Deux produits supplémentaires sont en stade préclinique avancé :

  • VTX-802, visant une entité génétique rare liée à une carence en ornithine transcarbamylase (OTC), un trouble du cycle de l’urée entraînant une hyperammoniémie sévère.
  • Un programme préclinique explorant le traitement du déficit en phosphatase alcaline spécifique du foie (LAL-D), une pathologie ultra-rare d’origine lysosomale.

Dans le même temps, la société travaille à étoffer ses plateformes technologiques AAV pour améliorer la capacité de re-dosage, adapter les vecteurs à des profils pédiatriques et assurer une production conforme aux standards des agences de santé américaine et européenne.

Financements et perspectives industrielles

Depuis sa création, Vivet a levé près de 100 millions d’euros via plusieurs levées de fonds, dont un tour de série A mené par Novartis Venture Fund, Kurma Partners, et Ysios Capital, rapidement rejoints par Roche Venture Fund et Columbus Venture Partners. La dernière extension de financement a notamment été co-structurée avec Pfizer, renforçant sa double légitimité scientifique et économique.

La société a également bénéficié de subventions publiques de Bpifrance dans le cadre du Plan France Médecine Génomique, reconnaissance supplémentaire de son rôle pionnier dans les nouvelles approches de médecine de précision.

Sur le plan industriel, Vivet mise sur une production internalisée à terme, capable de générer des lots cliniques et commerciaux. Un investissement que peu de sociétés de cette taille peuvent porter seules, renforçant l’intérêt d’alliances stratégiques à long terme.

Un positionnement à la croisée de la science et du marché

Le cas Vivet illustre plusieurs tendances de fond dans la bioindustrie : l’attractivité des maladies rares pour les startups agiles, la montée en puissance des plateformes technologiques de vecteurs viraux, et l’importance croissante de maîtriser l’industrialisation dès les phases de développement précoce.

Son approche intégrée, couplée à une stratégie d’alliance robuste et à un pipeline cohérent, en fait un acteur à suivre dans les prochaines années. Si les données cliniques de VTX-801 confirment les espoirs des précliniques, la société pourrait bien écrire l’un des futurs cas d’école d’une biotech européenne passée du concept à la thérapie délivrée.

En biotech, on le sait : les réussites tiennent parfois à un bon gène… mais aussi à un bon partenaire. Et sur ce terrain, Vivet semble cocher toutes les cases.