Comment concilier efficacité vaccinale, sécurité d’administration et réponse immunitaire durable, tout en s’affranchissant des limites des technologies actuelles ? C’est à cette question que s’attelle Theravectys, une biotech française qui développe une nouvelle génération de vaccins thérapeutiques et préventifs à base de vecteurs lentiviraux. Positionnée à l’intersection de la génétique, de l’immunologie et de la virologie, cette société historiquement issue de l’Institut Pasteur propose un virage stratégique pour la vaccination du 21e siècle.
Un modèle de rupture dans un marché vaccinal en demande de différenciation
Alors que les plateformes vaccinales à ARN messager ont été propulsées sur le devant de la scène avec la pandémie de COVID-19, de nombreuses limites persistent : réponse immunitaire parfois peu durable, nécessité de rappels fréquents, logistique complexe. Theravectys, elle, mise sur les vecteurs lentiviraux de deuxième génération pour contourner ces contraintes. Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Les vecteurs lentiviraux sont des virus désactivés, dérivés du VIH-1, modifiés pour être inoffensifs et porteurs de matériel génétique d’intérêt. Une fois administrés, ces vecteurs pénètrent dans des cellules présentatrices d’antigènes (notamment les cellules dendritiques) et induisent une réponse immunitaire à la fois humorale et cellulaire, solide et de longue durée.
Dans l’univers vaccinal, c’est une rupture. Là où l’ADN et l’ARN messager dépendent d’un transport intracellulaire complexe, les lentivirus sont naturellement compétents pour délivrer leur charge jusqu’au noyau cellulaire. Résultat : une expression robuste et prolongée des antigènes cibles, et donc une stimulation immunitaire plus efficace.
Une technologie issue de plus de 15 ans de recherche académique
Theravectys ne s’est pas improvisée sur ce segment stratégique. La société a été fondée en 2005 par le Pr Pierre Charneau, mondialement reconnu pour ses travaux pionniers à l’Institut Pasteur sur les vecteurs lentiviraux. Durant plus d’une décennie, son équipe a perfectionné la plateforme pour garantir un profil de sécurité irréprochable, condition sine qua non pour une application vaccinale chez l’homme.
Selon les mots de Claire Giry, présidente du conseil scientifique de Theravectys : « Nous avons franchi les étapes les plus critiques en matière de biosécurité : aucun potentiel de réplication, pas d’intégration dans le génome, et un tropisme strictement dirigé. Ce sont des standards rarement atteints dans cette catégorie de vecteurs. »
En d’autres termes, Theravectys construit son avantage concurrentiel sur une combinaison fine entre rigueur scientifique, propriété intellectuelle solide (une trentaine de brevets internationaux), et preuves de concept cliniques progressives.
Des premières validations cliniques encourageantes
Après une phase initiale en vaccination contre le VIH, la société a élargi ses cibles à des indications à la fois prophylactiques et thérapeutiques. En oncologie, notamment, où le besoin de vaccins thérapeutiques capables d’éduquer durablement le système immunitaire à reconnaître et cibler les cellules tumorales est criant.
En 2021, Theravectys a lancé un essai de phase I/II évaluant un vaccin lentiviral contre les tumeurs HPV-induites du col de l’utérus. Les premiers résultats intermédiaires présentés en 2023 lors du congrès AACR (American Association for Cancer Research) ont confirmé une excellente tolérance et, surtout, une activation robuste des lymphocytes T spécifiques.
Du point de vue stratégique, cette montée en puissance clinique conforte l’ambition de la biotech : s’imposer comme une alternative durable aux approches classiques, avec une offre modulaire, personnalisable, et adaptable à différentes cibles pathogènes ou tumorales.
Un virage industriel en préparation
Mais une innovation vaccinale, aussi prometteuse soit-elle, ne convaincra les investisseurs et industriels qu’à condition d’être industrialisable à grande échelle. Theravectys l’a bien compris, et a investi massivement dans la mise en place d’une unité de bioproduction en Île-de-France, équipée pour produire ses vecteurs lentiviraux en conditions BPF (Bonnes Pratiques de Fabrication).
L’objectif ? Maîtriser sa chaîne de valeur, sécuriser ses approvisionnements et être capable d’alimenter rapidement des essais cliniques de phases avancées. Un choix qui s’aligne aussi sur la stratégie européenne de relocalisation industrielle dans le domaine stratégique des biotechnologies.
En parallèle, la biotech développe des collaborations industrielles ciblées. Un partenariat de recherche signé récemment avec un grand groupe pharmaceutique (dont le nom reste pour l’instant confidentiel) pourrait déboucher sur des co-développements autour d’antigènes tumoraux prisés.
Un positionnement stratégique entre vaccinologie, immuno-oncologie et médecine personnalisée
Faut-il voir Theravectys comme un nouveau géant de la vaccination ou plutôt comme un « hub technologique » au croisement de plusieurs grandes tendances biotech ? Les deux, sans doute. Car sa plateforme est intrinsèquement versatile. Elle pourrait, à terme, s’appliquer à :
- La vaccination préventive contre des agents infectieux émergents (Zika, chikungunya, grippe aviaire…)
- Le développement de vaccins thérapeutiques personnalisés contre le cancer (adaptés au profil mutationnel tumoral du patient)
- La création de thérapies cellulaires et géniques ciblées, en synergie avec les CAR-T ou l’édition génomique
Theravectys se positionne ainsi au cœur d’un triptyque technologique : une plateforme vectorielle robuste, une forte compétence en immunologie appliquée, et une stratégie de valorisation orientée vers les besoins du marché pharmaceutique.
Vers une levée de fonds structurante en 2024 ?
Portée par ces résultats intermédiaires et des perspectives industrielles solides, la startup prépare une levée de fonds de série B attendue en 2024. De source proche du dossier, l’objectif serait de lever entre 40 et 60 millions d’euros, pour financer à la fois les extensions cliniques de ses programmes tumoraux et le développement de nouveaux candidats prophylactiques.
La direction indique vouloir cibler des investisseurs « stratégiques » – fonds spécialisés en santé, corporate ventures et family offices engagés dans la deeptech – tout en gardant une flexibilité sur la structuration de son tour de table.
Ce financement pourrait également servir à renforcer son ancrage international, notamment en Amérique du Nord où plusieurs partenariats de R&D sont en cours d’évaluation dans le domaine des maladies infectieuses chroniques.
Une biotech à surveiller de près
Dans un écosystème où la différenciation technologique ne garantit ni succès clinique ni adoption industrielle, Theravectys se distingue par sa cohérence stratégique. Elle ne cherche pas à surfer sur les tendances mais à bâtir un nouveau standard, plus robuste et plus polyvalent, de la vaccination moderne.
Avec une équipe dirigée par des scientifiques chevronnés, un pipeline en phase de maturité clinique et une capacité de production in-house, la biotech coche de nombreuses cases pour intéresser à la fois les industriels pharmaceutiques, les autorités de santé et les investisseurs avisés.
La route est loin d’être balisée, mais s’il fallait miser sur une technologie vaccinale capable de nous emmener au-delà des promesses de l’ARN messager, Theravectys aurait clairement sa carte à jouer.