Lyon, carrefour stratégique des biotechnologies françaises
Depuis plusieurs années, Lyon s’impose comme un pôle stratégique pour les biotechnologies en France. Longtemps connue pour son héritage pharmaceutique — avec des géants comme Sanofi ou Merck installés dans la région — la métropole a su transformer cette tradition industrielle en un vivier de startups, de centres de recherche innovants et de hubs technologiques spécialisés dans la santé. Aujourd’hui, Lyon n’est plus seulement une ville universitaire ou pharmaceutique : c’est un véritable écosystème biotech en pleine expansion, à la croisée de l’innovation, de l’investissement et de la production.
Comment expliquer cette dynamique soutenue ? Quels sont les acteurs clés qui font battre le cœur biotech de la région lyonnaise ? Et surtout, quelles perspectives se dessinent pour les années à venir ? Plongée dans une ville où la biotech n’est pas un secteur d’avenir : c’est déjà une réalité.
Un terreau historique et industriel propice à l’émergence des biotech
Lyon n’a pas bâti son écosystème en partant de rien. La région bénéficie depuis plus d’un siècle d’une assise industrielle solide dans les domaines de la santé, de la pharmacie et de la chimie. La présence historique de Rhône-Poulenc — devenu ensuite Sanofi — a contribué à l’essor de formations universitaires d’excellence, d’infrastructures de production, mais aussi d’un bassin d’emplois hautement qualifiés.
À cette base industrielle s’ajoute un effet d’entraînement : les talents restés sur place ont donné naissance à une myriade de startups dans les domaines du biomanufacturing, du diagnostic, des thérapies innovantes ou encore de la medtech. En somme, Lyon a capitalisé sur son histoire pour écrire sa transition vers l’innovation biotech.
La Biofactory de Sanofi : plus qu’un site, un signal pour l’écosystème
Impossible de parler de biotech à Lyon sans évoquer l’annonce par Sanofi, en septembre 2023, d’un investissement massif de 500 millions d’euros pour créer une Biofactory de nouvelle génération sur son site de Neuville-sur-Saône. Ce site de bioproduction, où seront fabriquées des biomédicaments à grande échelle, doit devenir l’un des plus avancés d’Europe.
Au-delà de l’impact industriel (création de 200 emplois, mise en service prévue pour 2025), cette Biofactory fait figure de levier stratégique. Elle attire dans son sillage des fournisseurs, des sous-traitants spécialisés, des talents, mais aussi des startups en quête de collaborations industrielles. Ce type d’infrastructure agit comme catalyseur : la production devient un atout-clé dans un secteur où disposer d’une capacité industrielle en Europe est redevenu stratégique.
Des clusters structurants : Lyonbiopôle, moteur d’une vision collective
L’un des piliers de la dynamique lyonnaise, c’est sans conteste le pôle de compétitivité Lyonbiopôle Auvergne-Rhône-Alpes. Créé en 2005, il fédère aujourd’hui plus de 300 membres, dont des grands groupes, des PME innovantes, des laboratoires académiques et des centres hospitaliers.
Sa mission ? Structurer la filière santé dans la région autour de quatre axes :
- La médecine personnalisée
- Les maladies infectieuses
- Les technologies médicales innovantes
- La bioproduction et l’industrialisation
Grâce à un accompagnement stratégique, financier et technologique, Lyonbiopôle facilite la collaboration entre les différents acteurs de l’écosystème. Résultat : près de 300 projets collaboratifs labellisés et plus de 1 milliard d’euros de financements obtenus auprès de l’État ou de l’Union européenne.
En 2022, le cluster a également inauguré l’Accinov, une plateforme d’hébergement industriel qui offre aux jeunes biotech l’accès à des équipements partagés et à un environnement réglementaire et qualité conforme aux exigences de production pharmaceutique. Un accélérateur concret pour passer du labo au marché.
Des pépites locales qui montent en puissance
Lyon n’est pas seulement un lieu de passage pour les grands groupes. Plusieurs startups et scale-ups locales commencent à peser dans le paysage biotech français — voire international. Quelques exemples significatifs :
- Theranexus, issue du CEA, développe des traitements pour les maladies du système nerveux central. Cotée sur Euronext Growth, l’entreprise a signé plusieurs partenariats stratégiques et avance sur des candidats en phase clinique.
- NH TherAguix, spin-off du CNRS, propose des nanomédicaments pour améliorer l’efficacité des radiothérapies en oncologie. Après une levée de fonds de 13 millions d’euros, la biotech poursuit ses essais cliniques en Europe et aux États-Unis.
- Adocia, spécialisée dans les formulations de protéines thérapeutiques, affiche un portefeuille riche de collaborations, notamment avec des acteurs asiatiques sur les insulines biosimilaires.
À ces entreprises s’ajoutent une foule de jeunes pousses innovantes, en particulier dans la HealthTech digitale ou les outils de diagnostic, comme MaaT Pharma (microbiome), Imcheck Therapeutics (immunothérapie) ou encore Calixar (bioproduction de protéines membranaires complexes).
Un écosystème académique et hospitalier au diapason
Innover, c’est aussi savoir s’entourer. De ce point de vue, Lyon bénéficie d’un maillage exceptionnel composé d’universités, d’écoles d’ingénieurs, d’unités INSERM/CNRS et de centres hospitaliers universitaires. Citons par exemple :
- La Faculté de Médecine de Lyon Est
- L’Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon (IGFL)
- L’Institut de Recherche sur le Cancer de Montpellier, en partenariat avec Lyon
- Le Centre Léon Bérard, spécialisé en oncologie et participant à de nombreuses études cliniques
Ce réseau dense favorise les synergies entre recherche fondamentale, développement clinique et transfert industriel. Il permet aussi aux projets biotech d’accéder à des essais cliniques de qualité, étape aussi cruciale que coûteuse dans le développement d’un médicament.
Des dispositifs de financement bien rodés
L’accès au capital reste un enjeu clé pour les biotech, dont les cycles de développement s’étalent souvent sur une décennie. Là encore, Lyon tire son épingle du jeu grâce à un tissu d’acteurs financiers spécialisés. Bpifrance y joue un rôle majeur, via le soutien à l’innovation ou le Fonds Patient Autonome. À l’échelle locale, le fonds Pertinence Invest ou la structure Angels Santé participent régulièrement aux tours de table des jeunes pousses régionales.
Sans oublier l’accompagnement des incubateurs et accélérateurs comme Pulsalys, l’incubateur DeepTech de Lyon, qui accompagne les projets en valorisation issus de la recherche publique. De nombreux startuppers témoignent de l’impact concret de ces structures sur leur capacité à lever et sécuriser des financements non dilutifs avant même les séries A.
Entre innovation et production : une ambition claire pour l’avenir
Ce qui singularise l’écosystème lyonnais, c’est sa capacité à combiner innovation scientifique et anticipation industrielle. Alors que certaines régions peinent à « industrialiser » leurs pépites, Lyon bâtit un modèle où laboratoire et usine dialoguent dès les premiers stades du développement.
Dans un contexte post-COVID, où l’Europe cherche à rapatrier des capacités de production critique et à sécuriser ses chaînes d’approvisionnement, cette double compétence devient un avantage concurrentiel. La région s’intègre ainsi dans la dynamique nationale portée par la Stratégie d’accélération « Biothérapies-Biomédicaments » du PIA4 (Plan d’Investissement d’Avenir), qui prévoit plus d’un milliard d’euros d’investissement au niveau national pour booster cette filière jugée stratégique.
Face à la compétition internationale, Lyon n’a pas vocation à rivaliser avec Boston ou Shenzhen. Mais en misant sur ses ressources scientifiques, sa culture industrielle, et un accompagnement structuré, elle trace une voie originale pour faire émerger une nouvelle génération de champions biotech “made in France”. Une ambition désormais lisible — et crédible.
