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Biotechnologie en france : état des lieux d’un secteur en pleine croissance

Biotechnologie en france : état des lieux d'un secteur en pleine croissance

Biotechnologie en france : état des lieux d'un secteur en pleine croissance

Un secteur qui ne connaît pas la crise

Alors que l’économie mondiale traverse une période d’incertitude, la biotech française, elle, continue d’afficher une croissance soutenue. Entre levées de fonds historiques, collaborations stratégiques et maturation technologique, les indicateurs sont au vert. Selon le dernier rapport de France Biotech, le secteur a levé plus de 1,3 milliard d’euros en 2023, une performance remarquable dans un contexte de tension sur les marchés financiers.

Loin de se réduire à un épiphénomène post-Covid, cette dynamique s’inscrit dans une tendance structurelle portée par trois piliers : l’excellence scientifique nationale, le soutien étatique croissant, et l’appétit intact des investisseurs pour l’innovation biomédicale. La biotech française s’émancipe de sa réputation de « belle endormie » pour devenir un acteur crédible, visible… et désormais courtisé.

Des startups qui montent… et qui tiennent

Si l’on pense instinctivement aux géants du secteur comme BioMérieux ou Sanofi, la vitalité de l’écosystème repose, en grande partie, sur la densité et la diversité de son tissu de startups. Ces dernières années, plusieurs d’entre elles ont franchi des étapes décisives, consolidant leur positionnement scientifique autant que leur crédibilité financière.

Citons par exemple DNA Script, pionnière dans la synthèse d’ADN enzymatique, qui a levé 165 millions de dollars en série C fin 2022. Ou encore Carmat, avec son cœur artificiel total, qui s’apprête à reprendre les essais cliniques après une pause technique. Et que dire de TreeFrog Therapeutics, la pépite bordelaise spécialisée dans les cellules souches, dont la technologie d’encapsulation 3D attire l’attention des big pharmas ?

Plus qu’un effet d’accélérateur, on assiste à une professionnalisation du tissu entrepreneurial : amélioration des gouvernances, structuration des levées de fonds, montée en compétence des équipes dirigeantes. La culture « scale-up » progresse enfin dans les biotechs françaises, au-delà du simple proof-of-concept technologique.

Une chaîne de financement encore perfectible

La levée de fonds reste le nerf de la guerre dans un secteur au retour sur investissement long et incertain. Si les tours Seed et Série A trouvent de plus en plus facilement preneurs grâce à la densité du réseau de business angels et de family offices spécialisés dans la deeptech, l’effet de « plafond de verre » apparaît souvent à partir de la Série B.

Le passage à l’échelle industrielle exige des montants plus importants, rarement couverts par les acteurs locaux. Résultat : de nombreuses biotechs françaises se tournent vers le financement américain ou asiatique pour leurs phases cliniques avancées. Un manque à gagner pour l’écosystème national – mais aussi une opportunité d’internationalisation stratégique.

Quelques espoirs persistent. Bpifrance, via le fonds InnoBio 2, continue de jouer un rôle structurant. L’émergence de plateformes de co-investissement paneuropéennes, comme EIC Fund ou Euronext Tech Leaders, offre également de nouvelles perspectives. Mais pour transformer l’essai, un pas supplémentaire semble nécessaire : à quand un « Nasdaq français » réellement attractif pour la biotech ?

La R&D, un savoir-faire made in France

Si la France attire autant de capitaux en biotech, c’est aussi parce qu’elle dispose d’un socle scientifique solide. Avec plus de 2 000 laboratoires publics en sciences de la vie, un vivier de chercheurs reconnu à l’international, et des institutions comme l’Inserm, le CNRS ou l’Institut Pasteur, le pays se positionne en première ligne sur de nombreux fronts d’innovation : immunothérapie, microbiote, RNA thérapeutique, thérapies géniques et cellulaires…

L’exemple de la start-up GenSight Biologics illustre parfaitement cette excellence translationnelle. Issue de travaux INSERM et Sorbonne Université, elle développe des thérapies innovantes pour les maladies neurodégénératives et ophtalmologiques, avec plusieurs études en phase III à son actif. Preuve que le transfert technologique est désormais un maillon fonctionnel entre recherche fondamentale et industrialisation thérapeutique.

Une bioindustrie en mutation

Derrière la recherche, il y a la production. Et ce point précis a longtemps constitué l’angle mort de la biotech française. Mais les lignes bougent, lentement mais sûrement. Le plan France 2030, avec plus de 7 milliards d’euros dédiés à la santé, cible explicitement la souveraineté industrielle du médicament, incluant la relocalisation des infrastructures de bioproduction.

Plusieurs projets emblématiques sont en cours :

Objectif affirmé : passer du statut de « nation chercheuse » à celui de « nation productrice ». Un virage encore fragile, certes, mais soutenu par une volonté politique plus lisible qu’auparavant.

La régulation et l’accès au marché : des défis persistants

Même les plus brillantes découvertes n’iront pas loin sans un parcours réglementaire clair et un accès au marché soutenable. De ce point de vue, la biotech française souffre d’un environnement encore trop hétérogène. Le traitement des dossiers par l’ANSM est de plus en plus fluide, mais les incitations au remboursement en France restent moins attractives qu’ailleurs, rendant parfois la commercialisation localement plus complexe qu’en Allemagne ou aux États-Unis.

Les solutions ? Un dialogue renforcé entre industriels et autorités de santé, des procédures d’évaluation plus agiles, et peut-être une plus grande place donnée aux real-world evidence pour soutenir les dossiers économiques des thérapies innovantes.

Notons que plusieurs biotechs optent aujourd’hui pour des stratégies de co-développement avec des pharma internationales dès les phases précliniques. C’est le cas de Ose Immunotherapeutics, qui a multiplié les deals de licensing hors de France dès les premières preuves de concept. Un choix pragmatique face à la complexité de l’accès au marché dans l’Hexagone.

Un écosystème plus structuré… mais à surveiller

Le paysage biotech français est désormais mieux outillé : incubateurs spécialisés (like Paris Biotech Santé, Eurasanté), clusters régionaux (Atlanpole, Lyonbiopôle), plateformes d’accompagnement public-privé (BPI, SATT, France BioLead)… L’échafaudage existe.

Mais gare à l’effet vitrine : trop de startups peinent encore à franchir la « vallée de la mort » entre la preuve de concept académique et la création de valeur thérapeutique. Un soutien plus ciblé, moins dispersé, semble nécessaire pour véritablement permettre aux innovations de passer le cap.

Et si la biotech française progressait aussi en abandon d’Egosystem au profit de plus d’écosystème ? Mutualisation des moyens, alliances inter-entreprises, modèles de plates-formes partagées… autant de leviers à actionner pour pérenniser la dynamique actuelle.

Vers des champs d’innovation inédits

L’avenir de la biotech tricolore ne s’arrête pas aux thérapies classiques. La convergence des biotechnologies avec l’intelligence artificielle, les données massives, et la bioingénierie ouvre une nouvelle frontière. À la croisée des disciplines, de nouveaux marchés émergent.

Il ne s’agit plus seulement de traiter des maladies, mais de bâtir une bioéconomie circulaire, durable et industrialisée. Une ambition qui dépasse le champ médical, et qui pourrait faire de la biotech française une brique majeure de la transition technologique du pays.

La biotechnologie comme moteur économique

On pourrait croire que les biotechs ne concernent que les laboratoires et les hôpitaux. En réalité, elles sont de plus en plus intégrées dans une stratégie industrielle nationale. La promesse n’est plus seulement thérapeutique, elle est aussi économique. Création d’emplois qualifiés, attractivité des territoires, exportations à valeur ajoutée : les start-ups biotech deviendront-elles les PME industrielles de demain ?

Après tout, Sanofi, Beauvais ou L’Oréal ont bien démarré quelque part. Le défi ? Cultiver l’écosystème pour faire éclore des champions pérennes. Avec un peu de capital, beaucoup de talent, et un esprit résolument entrepreneurial… la biotech française n’a pas fini de faire parler d’elle.

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