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Aqemia mise sur l’intelligence artificielle pour révolutionner la découverte de médicaments

Aqemia mise sur l’intelligence artificielle pour révolutionner la découverte de médicaments

Aqemia mise sur l’intelligence artificielle pour révolutionner la découverte de médicaments

La découverte de médicaments à l’ère de l’intelligence artificielle

La promesse de l’intelligence artificielle dans la recherche pharmaceutique n’est plus une vision abstraite. Elle s’écrit désormais dans les algorithmes, dans les levées de fonds, et de plus en plus, dans les pipelines des laboratoires. Parmi les acteurs européens qui tracent cette voie, la startup française Aqemia revendique une approche singulière, alliant modélisation physique de pointe et apprentissage machine pour transformer la manière dont les médicaments sont découverts.

Fondée en 2019 à Paris, Aqemia s’est donné pour mission d’accélérer le développement de nouvelles thérapies en modélisant, à une vitesse inédite, l’interaction entre des milliers de molécules et des cibles thérapeutiques complexes. À une époque où trouver une molécule efficace reste un processus long, coûteux et incertain, cette vision ne laisse pas les investisseurs indifférents.

Une technologie hybride inspirée de la physique quantique

Ce qui distingue Aqemia dans le paysage dense des biotech IA, c’est la combinaison d’un moteur de simulation moléculaire issu de la physique statistique avec des modèles d’IA. Contrairement à d’autres plateformes qui entraînent leurs algorithmes sur des bases de données existantes – parfois limitées ou biaisées – Aqemia génère ses propres données biophysiques grâce à des calculs ultra-rapides de mécanique statistique. Un choix stratégique qui évite l’écueil de la dépendance aux données historiques, tout en assurant une approche « physics-based » robuste.

« Nous avons construit une technologie capable de calculer, en quelques minutes, l’affinité entre des milliers de molécules et une protéine cible, et ce avec une précision comparable aux meilleures méthodes expérimentales. Cette capacité à explorer un espace chimique aussi vaste, aussi rapidement, nous donne un avantage décisif », explique Maximilien Levesque, cofondateur et CEO d’Aqemia, docteur en physique quantique et ancien chercheur au CNRS.

Cette approche permet notamment d’éviter la phase expérimentale de criblage à haut débit (HTS), extrêmement longue et coûteuse, par une simulation 100 % in silico. Résultat : le processus de découverte passe de plusieurs années à quelques mois.

Une stratégie de pipeline propriétaire et de partenariats

À l’image de certaines biotech IA anglo-saxonnes comme Exscientia ou BenevolentAI, Aqemia développe son propre portefeuille de candidats-médicaments tout en forgeant des collaborations stratégiques avec des big pharmas. Un double modèle économique soigneusement calibré pour maximiser l’impact scientifique et la viabilité financière.

En parallèle de ses projets internes, Aqemia a récemment scellé un partenariat avec Sanofi sur plusieurs cibles thérapeutiques, dans des indications encore non divulguées. L’accord, chiffré à plusieurs dizaines de millions d’euros en milestones, prévoit également l’usage de la plateforme technologique de la startup dans les projets du géant pharmaceutique.

En interne, Aqemia mène actuellement le développement de plusieurs programmes en oncologie, immunologie et maladies infectieuses. Certains sont aujourd’hui en phase d’optimisation avancée, à quelques étapes de la nomination de candidat clinique. Des résultats préliminaires, partagés sous confidentialité avec certains partenaires industriels, montrent déjà des niveaux d’activité supérieurs à des composés standards, pour des cibles notoirement difficiles.

Une levée de fonds emblématique de la ruée vers l’IA drug discovery

En septembre 2023, Aqemia a levé 30 millions d’euros lors d’une série A menée par Eurazeo, avec la participation de Bpifrance via son fonds InnoBio 2, Elaia Partners et un investisseur industriel dont le nom reste confidentiel. Cette opération porte à plus de 40 millions d’euros les fonds levés depuis sa création, confirmant l’attractivité du dossier auprès d’acteurs institutionnels et corporate en quête d’innovations deeptech applicables aux soins de demain.

Cette enveloppe permettra d’élargir sensiblement le pipeline propriétaire, de recruter des experts en chimie médicinale, machine learning et développement clinique, ainsi que d’industrialiser davantage sa plateforme technologique. Le tout dans un esprit d’hyper-croissance maîtrisée, chère aux investisseurs spécialisés dans les startups deeptech.

Notons que cette levée positionne Aqemia comme l’un des fleurons européens des technologies d’IA appliquées à la santé, un domaine où la concurrence internationale est vive – notamment du côté des États-Unis et du Royaume-Uni. L’entreprise compte aujourd’hui une cinquantaine de collaborateurs, avec pour ambition de doubler son effectif dans les 18 mois à venir.

Quels défis pour la suite ?

Comme toute entreprise en forte accélération, Aqemia devra relever plusieurs défis structurants. D’abord, maintenir un haut niveau d’exigence scientifique tout en élargissant son portefeuille : chaque nouveau programme mobilise des ressources importantes et nécessite des arbitrages stratégiques. Ensuite, démontrer la valeur clinique de ses candidats via des preuves de concept tangibles, au-delà du in silico.

Mais l’un des points névralgiques demeure l’acceptation de ces technologies en rupture par les acteurs réglementaires et pharmaceutiques traditionnels. L’incertitude réglementaire autour des médicaments conçus par IA reste un point de vigilance. Si la FDA ou l’EMA n’ont pas encore émis de cadre spécifique, certaines initiatives, comme l’AI for Drug Development Task Force, laissent présager des évolutions à moyen terme.

L’enjeu pour Aqemia sera donc double : prouver la pertinence clinique de ses pistes thérapeutiques, tout en s’inscrivant dans les standards de qualité industriels – un exercice d’équilibriste que peu de biotech parviennent à maîtriser à grande échelle.

La France peut-elle tirer son épingle du jeu ?

Aqemia illustre avec brio le potentiel naissant de l’écosystème biotech français en matière de médecine computationnelle. Alors que les géants américains (Recursion, Insitro) et les britanniques (BenevolentAI, Exscientia) monopolisent souvent l’attention médiatique, des acteurs comme Aqemia, Iktos ou Owkin tracent une voie crédible, compétitive et technologique sur le Vieux Continent.

D’autant que le soutien public à ces initiatives s’intensifie, via des programmes comme France 2030 ou les fonds de Bpifrance destinés aux biotechnologies stratégiques. Encore faut-il, comme le montre le cas d’Aqemia, savoir combiner excellence académique, exécution industrielle rigoureuse et storytelling technologique cohérent pour séduire investisseurs, partenaires et talents.

La question qui reste en suspens : les biotech IA françaises parviendront-elles à maturité clinique suffisamment vite pour imposer leur modèle aux grands industriels ? Les prochaines années seront déterminantes, tant pour les startups elles-mêmes que pour la souveraineté technologique du continent européen en matière de santé numérique.

Un signal fort pour l’industrie biopharmaceutique

Il est encore tôt pour savoir si Aqemia signera la molécule miracle du futur. Mais l’intensité de son développement, la sophistication de sa technologie et l’appétit des investisseurs pour son modèle hybridant physique fondamentale et intelligence artificielle en font une entreprise à suivre de très près. Elle incarne ce virage vers une R&D pharmaceutique profondément augmentée par le numérique, en phase avec les défis industriels de demain : coûts maîtrisés, cycles raccourcis, et innovation prédictive.

Du calcul quantique à la biologie du futur, Aqemia ambitionne de devenir un acteur de référence mondiale. Une ambition assumée, incarnée, et, désormais, financée. De Paris à Boston, en passant par Bâle, le monde de la pharma n’a sans doute pas fini d’entendre parler de cette startup française où les équations font naître les traitements de demain.

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